« La distraction des anges »

26 janvier 2021 par Vincent Delcorps

C’était le 1er janvier, et c’était une amie très chère. Après s’être longtemps battue, elle a décidé de s’en aller. Parce qu’elle ne voyait pas d’autre issue. Le cœur en larmes, on a cherché dans nos souvenirs le jour de notre dernière rencontre. C’était il y a un an et demi. Déjà! Le quotidien avait ensuite pris le dessus, avec ses stress, ses échéances, ses courses… Puis étaient arrivés ces foutus confinements. Insidieusement, le coronavirus avait fragilisé bien des liens. Pire: il avait accru l’isolement de ceux qui avaient le plus besoin de soutien. En venant même à plonger certains dans l’inexplicable.

Alors aujourd’hui, le temps presse. Il est urgent de nous arrêter. De regarder autour de nous. D’identifier celles et ceux qui sont seuls, qui vont moins bien, qui ne trouvent plus de sens. Et sans attendre, il nous faut poser ces gestes. Ces gestes que l’on a si souvent remis à plus tard. Ces gestes que l’on trouvait importants mais toujours moins urgents que d’autres, pourtant moins importants. Ces gestes sont tout simples: un coup de fil, un sms, une lettre, un colis, une balade, …

Ces gestes ont toujours été nécessaires, et ils le sont plus que jamais. Ces derniersmois, nous avons appris à raser les murs, à baisser le regard, à garder les distances, à demeurer cloîtrés. Mais nous ne devons pas nous y habituer. La distance que nous impose la situation sanitaire nous expose à une autre menace: la précarisation de nos relations. Or, celle-ci n’est que l’antichambre d’une société déshumanisée – dont, comme toujours, les plus fragiles seraient les premières victimes.

Que celles et ceux qui se sentent plus forts posent donc ces gestes d’humanité. Dès aujourd’hui. Et sans attendre. Nous aimerions aussi inviter ceux qui ont besoin d’aide à avoir l’audace de la demander. Car pas moins que là-haut, des anges existent ici-bas. Mais ils sont parfois un peu surmenés. Ou distraits… Lorsqu’elle frappe à nos portes, toujours brutalement, la mort nous rappelle l’urgence d’aimer ceux qui nous entourent. En agissant ainsi, nous permettons à la vie d’avoir le dernier mot. C’est également ainsi que nous rendons le plus beau des hommages à ceux qui ne sont plus là.

Vincent DELCORPS